Ces raisons qui font que les mamans en détresse ne vont pas chercher d’aide
La détresse maternelle est une condition paralysante qui peut transformer la maternité en un état quasi constant d'anxiété et de peur. Bien qu’elle soit très difficile à vivre et très répandue, les mamans concernées hésitent à se faire accompagner: une étude réalisée par BabyCenter auprès de 1400 mamans indique que 50% d’entre elles ont ressenti des symptômes apparentés à la dépression post-partum. Pourtant, 40% d’entre elles ne sont pas allées chercher de l’aide. Pourquoi?
La honte et la culpabilité
Selon l'enquête, les plus grands obstacles empêchant les femmes de se faire soigner étaient la conviction qu'elles pouvaient surmonter la DPP par elles-mêmes, ainsi que l'embarras et la culpabilité face à ce qu'elles ressentaient.
Même avec une plus grande conscience sociétale de la DPP, quand il s'agit de la réalité quotidienne de la vie avec un nouveau-né, les mamans pensent qu'elles devraient être joyeuses et reconnaissantes. L'anxiété, la dépression et les pensées sombres et invasives ne correspondent pas à l'image qu’on se fait de la maternité moderne. Certaines mamans hésitent donc encore à parler à qui que ce soit - leur partenaire, le professionnel de la santé, un membre de leur famille - de ce qu'elles ressentent.
Si vous êtes une maman qui vient d’avoir un bébé il y a quelques semaines ou mois et que vous avez l’impression que c’est la pire période de votre vie, nous avons envie de vous dire que vous n’êtes pas seule. Rappelez-vous aussi que c’est l’impossible qui est exigé de vous: souvent, on vous demande d’être une partenaire, une professionnelle, une femme et une maman accomplies, le tout dans des contextes où il se peut que vous soyez loin de votre famille, et/ou très isolée socialement. De vous demander d’apprécier les joies de la maternité quand vous vivez une transition identitaire majeure, un charivari hormonal, une privation chronique de sommeil, le tout avec peu ou pas de soutien, équivaudrait à demander un miracle.
La désinformation
Les informations véhiculées par les médias au sujet de de la détresse maternelle sont loin d’être toujours fidèles à la réalité et, entre banalisation ou diabolisation, peuvent laisser beaucoup de mamans encore plus perplexes quant à ce qu’elles vivent.
De plus en plus de personnalités- notamment US, avec une grande influence- ont partagé leur combat contre la détresse maternelle dans des récits autobiographiques qui ont au moins pour avantage de libérer la parole sur ce sujet encore trop tabou: Serena Williams, Gwyneth Paltrow, Courtney Cox- sont autant de mères bénéficiant de soutien matériel assez conséquent ayant pourtant connu les affres de la dépression après l’arrivée d’un bébé.
Mais il arrive encore trop souvent que la détresse maternelle soit vue et dépeinte dans les médias comme un passage obligé qu’on aurait à endurer, voire qu'elle soit réduite à un «simple baby blues». La mésinformation autour du baby blues et de la détresse maternelle entraîne un risque de confusion entre les deux situations. Pourtant, les termes «baby blues» et «dépression post-partum» ne sont pas interchangeables. Le baby blues n’est pas un trouble de l'humeur, ni de l'anxiété périnatale. C'est une période normale d'ajustement hormonal après une naissance, et il se résout naturellement dans les 3 semaines suivant l'accouchement.
Les médias, surtout aux États-Unis, se concentrent également régulièrement sur des tragédies spectaculaires qui entourent parfois la naissance d’un enfant. La couverture médiatique de ces événements est souvent imprécise et même erronée, puisqu’il ne s’agit pas toujours de détresse maternelle ni même de dépression post-partum, mais bien de psychose périnatale (un phénomène très rare qui nécessite une prise en charge immédiate en psychiatrie).
Cette erreur dans la représentation de la difficulté maternelle dans les médias peut décourager des mamans d’aller chercher de l’aide par peur d’être perçues comme une menace pour leur enfant et même d’être poursuivies en justice.
Lorsqu’il s’agit de santé mentale en périnatalité, il est crucial d’appeler un chat un chat, et de savoir à quoi on peut avoir à faire. Notre article sur la détresse maternelle présente aussi tout ce qu’elle n’est pas, n’hésitez pas à aller le consulter!
La difficulté à identifier ce qui se passe réellement et à savoir vers qui se tourner
Certains symptômes de la détresse maternelle ne correspondent pas à l'image stéréotypée de la dépression, notamment parce que les femmes qui la vivent ne manifestent pas de signes nécessairement «évidents» de tristesse, qu’on associe trop automatiquement d’ailleurs à la dépression. En fait, si vous-même vivez une détresse intense après l’arrivée d’un bébé, il se peut qu’elle se présente beaucoup plus sous la forme de l’anxiété et de l’irritabilité que sous celle des pleurs de tristesse, par exemple. Ceci peut être de nature à vous empêcher vous-mêmes de réaliser que vous êtes en difficulté, et rend également difficile la détection de votre détresse par vos proches et même par certain.e.s professionnels.
C’est pourquoi il est à la fois crucial que le public soit sensibilisé à la difficulté maternelle, que les professionnel.les soient formé.es à son dépistage précoce, et que vous soyez à l’écoute de vous-même: il est normal de ne pas sentir une totale euphorie en permanence après une naissance; si en revanche vos pensées commencent à prendre le dessus sur votre vie et à la contrôler, il peut s’agir d’une alarme… Est-ce que ces pensées vous empêchent d'avoir des moments de joie avec votre bébé? Est-ce qu’elles se présentent indépendamment de ce que vous êtes en train d’entreprendre, y compris lorsque vous mangez, dormez, que vous soyez chez vous ou en dehors de votre domicile? Si c’est le cas, vous aurez certainement besoin d’aide pour retrouver un certain équilibre.
Trouver l’aide adéquate pour vous peut ne pas sembler évident: il y a la peur ou la honte de parler de ce qu’on ressent, et il y a aussi le fait que certain.e.s professionnel.les ne vous poseront peut-être pas les bonnes questions.
40% des femmes de l’étude mentionnée plus haut ont déclaré n'avoir jamais discuté avec un.e professionnel.le de la santé de la difficulté maternelle. L'enquête a aussi révélé que la majorité des conversations sur la dépression post-partum qui se sont produites pour les autres femmes ont eu lieu au cours du dernier trimestre, ou lorsqu’elles étaient à l'hôpital après l'accouchement ou à encore lors d’un rendez-vous post-natal, qui a généralement lieu quelques semaines après l'accouchement.
Pourtant la dépression post-partum peut se développer à tout moment au cours de la première année suivant la naissance d'un nouveau bébé; c’est pourquoi il est tellement important que le dépistage puisse être proposé au moment des suivis pédiatriques, par exemple.
Si vous ne vous sentez pas vous-même, parlez-en autour de vous, à d’autres mamans, à votre partenaire, à des ami.e.s: c’est déjà un premier pas très important. Si vous avez des doutes sur votre situation et si vous le souhaitez, vous pouvez aussi vous faire accompagner par un.e proche à une visite médicale postnatale et missionner cette personne pour verbaliser ses propres préoccupations à votre sujet: cela peut permettre au praticien de santé d’être mis sur la bonne piste sans que vous n’ayez nécessairement besoin à ce stade de parler de vous en détail, et il ou elle pourra vous référer à des ressources adaptées.
Vous avez le droit de recevoir une aide efficace, c’est un des facteurs essentiels pour ne pas ralentir un processus de rétablissement: n’hésitez pas à vous renseigner sur nos groupes thérapeutiques Joia et à vous y inscrire si vous en ressentez le besoin!